12
Juillet 2002
Chastenberg est peu joueur, il n'aime pas
beaucoup que le hasard guide sa vie... c'est improgrammable, invérifiable
et non soumis à une quelconque stratégie.
Alors, couché dans un lit bleu comme un ciel
qui aurait reçu trop de coups, il attend patiemment, un calepin
sur les genoux, un crayon en main, l'air songeur.
Que sera demain ? Évidemment, du hasard et
de l'improbabilité !
13 Juillet 2002
Lecture du journal local.
On y lit : "Pour le 14 Juillet, choisissez le feu
d'artifice de votre cœur". Ah ! Ces journalistes... qui écrivent
n'importent quoi pour l'estivalier avachi, l'oeil torve et l'encéphale
embrûmé par l'absence de mouvements dans ses synapses.
- Drôle de titre, pense Chastenberg... drôle...
non pas drôle du tout... pathétique plutôt.
15 Juillet 2002
Auguste va vivre une coronarographie... il pense
à tous ces termes en graphie... scénographie, sténographie
(sténosegraphie?), monographie, biographie ou encore télégraphie,
orthographie (a-ortographie) et calligraphie.
Ici les soignants disent une dilatation (Chastenberg
imagine une BD d'Iznogoud dont l'intrigue se passerait au Moyen Orient).
A propos des soignants et des soignés... Chastenberg imagine des patients
et des impatients...
C'est une expérience comme une autre dans
la vie d'un homme surtout s'il a un crayon à la main et qu'il griffonne
quelques croquis esotériques sur un petit calepin non spiralé.
13h45 :
Transport par un brancardier chauve qui proclame
partir en vacances aux Antilles au début du mois prochain. Chastenberg
se dit une fois de plus, que la profession du gars est bien dans l'ambiance
du lieu... un brancardier... ça sonne un peu comme cardio.... il
l'appelerait plus volontiers un brancardio...
Le brancardio dit alors dans un rictus de futur
vacancier à tong (qui fleure bon la plage, le monoï et la planche
de surf). et chapeau vissé à l'envers sur le crâne
(pour éviter les coups de soleil et faire branchouillu)
- Là-bas, la température est toujours
constante... entre 27° et 28° C.... Génial, non ?
- Où ça ? En Guadeloupe ou au bloc
?
Arrivée au bloc opératoire, où
un gars hilare se précipite sur Chastenberg, lui enfile illico presto
des chaussons transparents en tissu qui se déchire, en disant ;
"Je vais finir par me spécialiser dans la chaussure, moi"
- Vous pouvez vous lever ?
- Oui, bien sûr.
L'hilare préparateur conduit alors Auguste
dans une pièce qui est formée d'une sorte de lit à
radioscopie (le lit à baldaquin du médecin), et de multiples
moniteurs et accessoires en tout genre. Un peu impressionnant comme décors.
Une pièce protégée par une
vitre se trouve là en arrière-plan, on y voit des individus
en blouses vertes et parfois masqués (de qui se cachent-ils ?)
14h10 :
Le gars qui a accueilli Auguste, lui demande
in petto, de s'allonger sur le lit, en recommandant de bien poser la tête
sur le coussinet de bielle. On discute un peu. Le stress gagne petit à
petit Chastenberg (ce qui lui donne un petit air jamaïcain... à
cause des tresses)
Quelques brefs instants plus tard, un autre gars
venant de nulle part (ou d'ailleurs), à visage découvert, se
présente très poliment en précisant qu'il est anesthésiste
(tant mieux parce que s'il avait été équariseur... ça
aurait jeté un froid dans le dos de Chastenberg). Une minute passée,
il lui demande son poids, lui glisse un voie centrale et injecte une sorte
de sauce non pimentée mais très efficace. Aucune sensation
désagréable. C'est un artiste de la seringue, une sorte de
Vladimir Vladimirovich Nabokov de l'aiguille. Chastenberg lui indique qu'il
est très impressionné (par son cou d'anguille) et qu'il sent
monter le stress... (il n'insiste pas sur le jeu de mots jamaïcain car
il juge avec lucidité que ce n'est pas le moment pour la grosse rigolade).
l'artiste aiguillonné lui répond : "J'ai les moyens de vous
endormir s'il le faut...... ne vous inquiétez pas pour ça.."...
Auguste rétorque : "Vous avez aussi les moyens
de me faire parler ?"
L'artistonesthésiste rit.
Un autre gars arrive alors... dans une sorte de
combinaison spatiale. Il se présente comme étant le médecin
qui va agir.
Il est très doux et dégage une confiance
phéromonique. Sort-il d'une termitière ?
A partir de ce moment là, Auguste va entendre
des bruits de tringles comme pour déboucher les siphons, des "ziiipppp"...
des "fpouchhhh", on lui dit : "on va vous placer un champ opératoire
(pourquoi ce terme agricole ?) et vous allez sentir comme un liquide très
froid"
Effectivement, on le badigeonne copieusement et
énergiquement avec un liquide très froid. Jambe droite,
aine...
Pendant ce temps là, l'artistonesthésiste
revient et en remet un petit coup dans le cathéter qui est planté
dans le bras gauche.
On place sur le visage de Chastenberg, un masque
à oxygène, genre "Urgences" avec une odeur pas franchement désagréable...
évidemment à ce moment là, le nez de Chastenberg le
gratte... et ça commence à l'énerver.
Il s'imagine costumé comme pour un mardi gras..
Il sent alors des trucs s'enfiler par ses artères...
les propos sont très techniques... et sibyllins pour le profane
qu'il est...
Aucune douleur.
Visiblement le fameux "flash" qui fait perdre
toute notion au patient, c'est plutôt raté chez Chastenberg.
Mais, ce n'est pas grave puisque le confort est excellent.
Vers la fin, le médecin qui officie annonce
à Chastenberg : "Très fort rétrécissement de
la coronaire trucmuche ! Vous voulez voir ?" (il apprendra par la suite qu'il
s'agit de la coronnaire qui partage le coeur en 2 parties et qu'elle se nomme
artère
interventriculaire antérieure)
- Bien sûr !
Chastenberg observe alors son coeur en direct, avec
les 2 artères coronaires , on lui indique le rétrécissement
(très proche du cœur)... il annonce : "Faite moi un CD"
L'artistonesthésiste enlève le masque
à oxygène (enfin quand je dis à oxygène c'est
pour simplifier... parce qu'il ne devait pas y avoir que de l'oxygène,
si vous voyez ce que je veux dire...)
Chastenberg demande s'il est possible qu'on lui
en donne une copie aussi (pas du masque... mais du CD)
- Et une copie pour M Chastenberg !
Sympa le médecin, sans doute passionné
d'informatique...
15h00 :
Repositionnement sur le lit (celui qui était dans
la chambre de la Clinique) et le brancardio dirige le tout en "salle de
réveil" (ce n'est pas une salle issue de Peter Pan... comme le constatera
Auguste dans ce qui va suivre...)
15h03 :
Arrivée dans la salle de réveil. Une myriade d'infirmières
s'activent ici et là... De nombreux lits sont rangés comme
si c'était un parking.
Dans le lit d'à côté, une femme dans les vap'... un peu
plus loin, un gars endormi...
Mais pourquoi Chastenberg est-il si éveillé ? Lui ?
15h45 :
Retour dans la chambre d'où l'on entend les
cigalons chanter et d'où l'on voit les pins qui bougent dans le vent
d'été. Impressions de vacances... certes râtées...
mais de vacances tout de même !
16 Juillet 2002
10h00 :
Levée du pansement
compressif sur la fémorale. La marque ressemble à une petite
piqûre d'insecte, un peu comme quand on se fait piquer par une abeille.
Très étonnant, cette micro-chirurgie...
les gars sont de vrais artistes !
17 Juillet 2002
Auguste va vivre une angioplastie avec pose de
stent et irradiation au Phosphore 32.
C'est aussi une expérience comme une autre dans la vie d'un homme.
17h55 :
2 brancardios dont le chauve pré antillais
conduisent Chastenberg au bloc opératoire. La conduite est cette
fois-ci plus heurtée, en particuliers aux passages des dos d'âne.
Arrivée devant un digicode, le chauve lui
tapote en rythme les touches puis me laisse dans un endroit climatisé,
un peu style, chambre froide.
ça inquiète un peu Chastenberg...
On lui demande de signer quelques documents puisqu'une
partie de l'intervention est un test qu'on réalise actuellement sur
un échantillon de 150 patients français. Voilà que
Chastenberg est un échantillon. Peut-être va-t-il se retrouver
en tube dans les boites à lettres du quartier.
Il s'exécute (le dos au mur)
Le rituel pré-opératoire -identique
à la précédente prestation- s'enclenche (chaussons
en papier... dépose sur l'étal, arrivée de l'artistonesthésiste,
fixation du bras gauche qui servira à pratiquer la brachycardie...)
Dans la pièce, plusieurs personnes sont présentes
dont une italienne (sans doute en stage) ce qui donne un côté vacances.
Le bloc opératoire parait plus vaste, les
engins sont un peu identiques ( moniteurs, pièce vitrée, instruments
etc.), un décors très startrekien mais sans Jim Kirk au commande
de l'Enterprise.
On enferme la main gauche de Chastenberg sous une
multitude de straps très serrés; puis on l'asperge à
nouveau d'un tas de produits divers et variés dont un très
froid. Il a l'impression que ça anesthésie un peu son poignet,
il a aussi l'impression d'être un poulet qu'on prépare à
passer à la broche.
Sur ce, arrive le médecin qui va pratiquer,
on discute du diamètre de la radiale (3 mm).
- Allez ! On y va ! dit-il, concentré et professionnel
- Ah ? On vous a enlevé le cathéter
? C'est dommage ! ça aurait évité de vous repiquer
!
- C'est pas grave ça... susurre Chastenberg....
j'ai de la veine ces temps-ci !
Le médecin qui va pratiquer le geste médical
réapparaît soudain vêtu d'une combinaison style Aroun
Tazieff lors de la visite du la Soufrière à la Guadeloupe (
ça
rappelle un peu le chauve, cette évocation, non?) .
Pose du masque à gaz à odeur pas désagréable.
L'artistonesthésiste injecte un liquide dans le cathéter et
hop ! c'est parti !
La lumière s'estompe... puis les mêmes
bruits de "ziiipppps"
Chastenberg sent un peu le bidule filaire qui progresse
dans son bras gauche, mais sans inconfort particulier.
Commentaires très techniques.... dilatation
de l'artère, positionnement du tortillon qui va diffuser le Phosphore,
les médecins semblent très satisfaits de la position de
l'engin, ils lancent l'irradiation au Phosphore 32 pendant 4 ou 5 minutes.
L'italienne arrive ensuite pour positionner avec aisance le stent... ça
fleure bon la routine et le geste assuré.
Aucune douleur. Très impressionnant.
On demande si tout va bien. Chastenberg dodeline
de la tête. mais ça lui parait maintenant très très
long.... il crispe un peu son poignet nerveusement.
L'intervention se termine, on compresse fortement
le poignet, on positionne un pansement compressif (qui sera enlevé
le lendemain).
Retour en chambre, bicarbonate de sodium dans le
cathéter... pour la nuit, mise sous scope... et voilà !
Voilà, c'est fait ! Chastenberg est un homme qui possède
du ressors et un cœur nucléaire... et s'il postulait pour un voyage
vers Mars maintenant qu'il peut fonctionner presque en autonomie ?
ça serait une iodée intéressante,
ça ? Non ? Une iodée ? Et s'il mangeait des moules ce soir
?
En partant de la Clinique, Chastenberg note sur
le cahier :
"Je remercie de tout cœur (si j'ose dire) l'ensemble
du personnel soignant et de service du 2ème étage. Gentillesse
et qualités professionnelles ont été une constante
durant mon séjour. Merci"
21 Juillet 2002
Auguste réintégre ses pénates.