Histoires de Chastenberg


XXXVIII


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    12 Juillet 2002

     Chastenberg est peu joueur, il n'aime pas beaucoup que le hasard guide sa vie... c'est improgrammable, invérifiable et non soumis à une quelconque stratégie.

    Alors, couché dans un lit bleu comme un ciel qui aurait reçu trop de coups, il attend patiemment, un calepin sur les genoux, un crayon en main, l'air songeur.

    Que sera demain ? Évidemment, du hasard et de l'improbabilité !

   
13 Juillet 2002

     Lecture du journal local.


    On y lit : "Pour le 14 Juillet, choisissez le feu d'artifice de votre cœur". Ah ! Ces journalistes... qui écrivent n'importent quoi pour l'estivalier avachi, l'oeil torve et l'encéphale embrûmé par l'absence de mouvements dans ses synapses.

    - Drôle de titre, pense Chastenberg... drôle... non pas drôle du tout... pathétique plutôt.

    15 Juillet 2002

    Auguste va vivre une coronarographie... il pense à tous ces termes en graphie... scénographie, sténographie (sténosegraphie?), monographie, biographie ou encore télégraphie, orthographie (a-ortographie) et calligraphie.

    Ici les soignants disent une dilatation (Chastenberg imagine une BD d'
Iznogoud dont l'intrigue se passerait au Moyen Orient). A propos des soignants et des soignés... Chastenberg imagine des patients et des impatients...

    C'est une expérience comme une autre dans la vie d'un homme surtout s'il a un crayon à la main et qu'il griffonne quelques croquis esotériques sur un petit calepin non spiralé.

    13h45 :

   
Transport par un brancardier chauve qui proclame partir en vacances aux Antilles au début du mois prochain. Chastenberg se dit une fois de plus, que la profession du gars est bien dans l'ambiance du lieu... un brancardier... ça sonne un peu comme cardio.... il l'appelerait plus volontiers un brancardio...

    Le brancardio dit alors dans un rictus de futur vacancier à tong (qui fleure bon la plage, le monoï et la planche de surf). et chapeau vissé à l'envers sur le crâne (pour éviter les coups de soleil et faire branchouillu)

    - Là-bas, la température est toujours constante... entre 27° et 28° C.... Génial, non ?

    - Où ça ? En Guadeloupe ou au bloc ?

    Arrivée au bloc opératoire, où un gars hilare se précipite sur Chastenberg, lui enfile illico presto des chaussons transparents en tissu qui se déchire, en disant ; "Je vais finir par me spécialiser dans la chaussure, moi"

    - Vous pouvez vous lever ?

    - Oui, bien sûr.

    L'hilare préparateur conduit alors Auguste dans une pièce qui est formée d'une sorte de lit à radioscopie (le lit à baldaquin du médecin), et de multiples moniteurs et accessoires en tout genre. Un peu impressionnant comme décors.

    Une pièce protégée par une vitre se trouve là en arrière-plan, on y voit des individus en blouses vertes et parfois masqués (de qui se cachent-ils ?)

    14h10 :

   
Le gars qui a accueilli Auguste, lui demande in petto, de s'allonger sur le lit, en recommandant de bien poser la tête sur le coussinet de bielle. On discute un peu. Le stress gagne petit à petit Chastenberg (ce qui lui donne un petit air jamaïcain... à cause des tresses)

    Quelques brefs instants plus tard, un autre gars venant de nulle part (ou d'ailleurs), à visage découvert, se présente très poliment en précisant qu'il est anesthésiste (tant mieux parce que s'il avait été équariseur... ça aurait jeté un froid dans le dos de Chastenberg). Une minute passée, il lui demande son poids, lui glisse un voie centrale et injecte une sorte de sauce non pimentée mais très efficace. Aucune sensation désagréable. C'est un artiste de la seringue, une sorte de Vladimir Vladimirovich Nabokov de l'aiguille. Chastenberg lui indique qu'il est très impressionné (par son cou d'anguille) et qu'il sent monter le stress... (il n'insiste pas sur le jeu de mots jamaïcain car il juge avec lucidité que ce n'est pas le moment pour la grosse rigolade). l'artiste aiguillonné lui répond : "J'ai les moyens de vous endormir s'il le faut......  ne vous inquiétez pas pour ça.."...

    Auguste rétorque : "Vous avez aussi les moyens de me faire parler ?"

    L'artistonesthésiste rit.

    Un autre gars arrive alors... dans une sorte de combinaison spatiale. Il se présente comme étant le médecin qui va agir.

    Il est très doux et dégage une confiance phéromonique. Sort-il d'une termitière ?

    A partir de ce moment là, Auguste va entendre des bruits de tringles comme pour déboucher les siphons, des "ziiipppp"... des "fpouchhhh",  on lui dit : "on va vous placer un champ opératoire (pourquoi ce terme agricole ?) et vous allez sentir comme un liquide très froid"

    Effectivement, on le badigeonne copieusement et énergiquement avec un liquide très froid. Jambe droite, aine...

    Pendant ce temps là, l'artistonesthésiste revient et en remet un petit coup dans le cathéter qui est planté dans le bras gauche.

    On place sur le visage de Chastenberg, un masque à oxygène, genre "Urgences" avec une odeur pas franchement désagréable... évidemment à ce moment là, le nez de Chastenberg le gratte... et ça commence à l'énerver.

    Il s'imagine costumé comme pour un mardi gras..

    Il sent alors des trucs s'enfiler par ses artères... les propos sont très techniques... et sibyllins pour le profane qu'il est...
   
    Aucune douleur.

      Visiblement le fameux "flash" qui fait perdre toute notion au patient, c'est plutôt raté chez Chastenberg. Mais, ce n'est pas grave puisque le confort est excellent.

    Vers la fin, le médecin qui officie annonce à Chastenberg : "Très fort rétrécissement de la coronaire trucmuche ! Vous voulez voir ?" (il apprendra par la suite qu'il s'agit de la coronnaire qui partage le coeur en 2 parties et qu'elle se nomme artère interventriculaire antérieure)

    - Bien sûr !

    Chastenberg observe alors son coeur en direct, avec les 2 artères coronaires ,  on lui indique le rétrécissement (très proche du cœur)... il annonce : "Faite moi un CD"

    L'artistonesthésiste enlève le masque à oxygène (enfin quand je dis à oxygène c'est pour simplifier... parce qu'il ne devait pas y avoir que de l'oxygène, si vous voyez ce que je veux dire...)

    Chastenberg demande s'il est possible qu'on lui en donne une copie aussi (pas du masque... mais du CD)

    - Et une copie pour M Chastenberg !

    Sympa le médecin, sans doute passionné d'informatique...

    15h00 :

   Repositionnement sur le lit (celui qui était dans la chambre de la Clinique) et le brancardio dirige le tout en "salle de réveil" (ce n'est pas une salle issue de Peter Pan... comme le constatera Auguste dans ce qui va suivre...)

    15h03 :

  Arrivée dans la salle de réveil. Une myriade d'infirmières s'activent ici et là... De nombreux lits sont rangés comme si c'était un parking.

Dans le lit d'à côté, une femme dans les vap'... un peu plus loin, un gars endormi...

Mais pourquoi Chastenberg est-il si éveillé ? Lui ?

  15h45 :
   
    Retour dans la chambre d'où l'on entend les cigalons chanter et d'où l'on voit les pins qui bougent dans le vent d'été. Impressions de vacances... certes râtées... mais de vacances tout de même !


    16 Juillet 2002

   
10h00 :

    Levée du pansement compressif sur la fémorale. La marque ressemble à une petite piqûre d'insecte, un peu comme quand on se fait piquer par une abeille.

    Très étonnant, cette micro-chirurgie... les gars sont de vrais artistes !

   
  
    17 Juillet 2002

    Auguste va vivre une angioplastie avec pose de stent et irradiation au Phosphore 32.

    C'est aussi
une expérience comme une autre dans la vie d'un homme.

    17h55 :

   
    2 brancardios dont le chauve pré antillais conduisent Chastenberg au bloc opératoire. La conduite est cette fois-ci plus heurtée, en particuliers aux passages des dos d'âne.
   
    Arrivée devant un digicode, le chauve lui tapote en rythme les touches puis me laisse dans un endroit climatisé, un peu style, chambre froide.

    ça inquiète un peu Chastenberg...

    On lui demande de signer quelques documents puisqu'une partie de l'intervention est un test qu'on réalise actuellement sur un échantillon de 150 patients français. Voilà que Chastenberg est un échantillon. Peut-être va-t-il se retrouver en tube dans les boites à lettres du quartier.

    Il s'exécute (le dos au mur)

    Le rituel pré-opératoire -identique à la précédente prestation- s'enclenche (chaussons en papier... dépose sur l'étal, arrivée de l'artistonesthésiste, fixation du bras gauche qui servira à pratiquer la brachycardie...)

    Dans la pièce, plusieurs personnes sont présentes dont une italienne (sans doute en stage) ce qui donne un côté vacances.

    Le bloc opératoire parait plus vaste, les engins sont un peu identiques ( moniteurs, pièce vitrée, instruments etc.), un décors très startrekien mais sans Jim Kirk au commande de l'Enterprise.

    On enferme la main gauche de Chastenberg sous une multitude de straps très serrés; puis on l'asperge à nouveau d'un tas de produits divers et variés dont un très froid. Il a l'impression que ça anesthésie un peu son poignet, il a aussi l'impression d'être un poulet qu'on prépare à passer à la broche.

    Sur ce, arrive le médecin qui va pratiquer, on discute du diamètre de la radiale (3 mm).

    - Allez ! On y va !  dit-il, concentré et professionnel

    - Ah ? On vous a enlevé le cathéter ? C'est dommage ! ça aurait évité de vous repiquer !

    - C'est pas grave ça... susurre Chastenberg.... j'ai de la veine ces temps-ci !

    Le médecin qui va pratiquer le geste médical réapparaît soudain vêtu d'une combinaison style Aroun Tazieff lors de la visite du la Soufrière à la Guadeloupe (ça rappelle un peu le chauve, cette évocation, non?) .

    Pose du masque à gaz à odeur pas désagréable. L'artistonesthésiste injecte un liquide dans le cathéter et hop ! c'est parti !

    La lumière s'estompe... puis les mêmes bruits de "ziiipppps"

    Chastenberg sent un peu le bidule filaire qui progresse dans son bras gauche, mais sans inconfort particulier.

    Commentaires très techniques.... dilatation de l'artère, positionnement du tortillon qui va diffuser le Phosphore, les médecins semblent très satisfaits de la position de l'engin, ils lancent l'irradiation au Phosphore 32 pendant 4 ou 5 minutes. L'italienne arrive ensuite pour positionner avec aisance le stent... ça fleure bon la routine et le geste assuré.

    Aucune douleur. Très impressionnant.

    On demande si tout va bien. Chastenberg dodeline de la tête. mais ça lui parait maintenant très très long.... il crispe un peu son poignet nerveusement.

    L'intervention se termine, on compresse fortement le poignet, on positionne un pansement compressif (qui sera enlevé le lendemain).

    Retour en chambre, bicarbonate de sodium dans le cathéter... pour la nuit, mise sous scope... et voilà !

  Voilà, c'est fait ! Chastenberg est un homme qui possède du ressors et un cœur nucléaire... et s'il postulait pour un voyage vers Mars maintenant qu'il peut fonctionner presque en autonomie ?

    ça serait une iodée intéressante, ça ? Non ? Une iodée ? Et s'il mangeait des moules ce soir ?

    En partant de la Clinique, Chastenberg note sur le cahier :

    "Je remercie de tout cœur (si j'ose dire) l'ensemble du personnel soignant et de service du 2ème étage. Gentillesse et qualités professionnelles ont été une constante durant mon séjour. Merci"

   
    21 Juillet 2002

    Auguste réintégre ses pénates.

   
                                
                                

  

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