XXVIII
Chastenberg reprend du service
Après
une longue absence, Chastenberg dans un halo de fumée réapparaît
chez Mendoza, un collègue de travail de Mandoline.
Georges Mendoza regarde avec obstination celui qu’il considère
comme le Sauveur du Monde Libre, un mythe.
Perplexe, il soulève les sourcils avec gravité.
Pieds nus, il se coupe consciencieusent les ongles , avec grand soin comme
pour transfigurer ce qu’il touche.
- Alors Auguste, ce voyage ? Tu étais parti en
fumée ?
- En exil, oui... exil est le terme approprié.
On m’a sacrifié sur l’autel des certitudes ! C’est une atteinte aux
libertés !
- Exil ? Tu délires... ton procès a été exemplaire
dans sa tenue et les propos qui ont été rapportés.
- Ma présence n’était plus souhaitée...
certain pensaient même qu’elle n’était plus souhaitable !
Chastenberg déboutonne sa chemise, la chaleur l’indispose.
Ses mains tremblent un peu, Mendoza s’en étonne
:
- Parkinson ?
- Non merci. Juste deux doigts d’analgésique !
Boire seulement et ne plus se souvenir de ce voyage dans les éthers
!
Une odeur d’huile chaude envahit la terrasse. Des frites
à la mistoufle ?
Un bruit évoquant le déchirement d’un tissu
de laine.
- Patricia Chougnard ! s’exclament-ils d’une même
voix.
Elle, en robe de bergère est plantée devant
la cheminée. Les mains sur les hanches, l’œil qui pétille.
Elle se précipite vers la salle de bain et se lave
les dents.
- Trop de risque, dit-elle puis se met à rire.
Au loin, le cri rauque d’une voiture qui freine, l’armoire
apprécie.
C’est sa façon à elle d’exister.
- Patricia, et des amis, que sont-il devenus ?
- L’argent les a dilué dans le temps, disparus
par un tour de baguette magique.
La tristesse s’installe au comptoir. Ils boivent sans
penser à rien.
- Tout ça, n’était qu’un Carnaval de Venise,
sans les masques ça ne vaut rien !
Le soleil défonce la vitre, il pleut des rayons
d’eau de feu.